L’histoire et l’âme du quartier juif du Marais – ma journée découverte

L’ile actuelle de la cité est l’un des premiers quartiers parisiens de l’implantation juive à Paris dès le Ve siècle, notamment autour de l’ancienne « rue de la juiverie », située aux abords immédiats de la cathédrale Saint-Etienne détruite en 1163 pour laisser place à Notre-Dame. En face de l’extrémité ouest de l’île, se trouvait jadis l’ile aux juifs, devenue l’actuel square du Vert Galant lors de la construction du Pont Neuf. Durant le Moyen Age, cet ilot fut le lieu d’exécutions d’Israélites. C’est aussi sur cette « île aux juifs » que fut brûlé vif, le 18 mars 1314, Jacques de Molay, dernier Grand Maître de l’Ordre du temple fondé à Jérusalem.

À Notre-Dame, la pierre raconte des histoires de l’Ancien Testament et de relations mouvementées entre l’Église et les Juifs. Sur la façade occidentale, 28 statues monumentales des Rois de Juda et d’Israël dominent la scène, avec un roi David fier sur son lion. Ces rois, parfois confondus avec ceux de France, ont payé cher cette confusion : leurs têtes furent décapitées pendant la Révolution. Des deux côtés du portail du Jugement Dernier, deux autres statues personnifiant la synagogue vaincue et l’église triomphante, laissent entendre un aveuglement et déchéance de la foi hébraïque face au christianisme…

Plus discrètement, le portail sud nous offre un des témoignages les plus émouvant du judaïsme médiéval en dévoilant un rabbin, un rouleau de Torah et une bimah. Et en 1983, l’histoire s’écrit autrement : Jean-Marie Lustiger, d’origine juive, devient cardinal de Paris et tend un pont entre les deux religions.

Au 20e siècle, l’antisémitisme chrétien laisse place à celui des nazis. À l’extrémité de l’Île de la Cité, je vous invite à découvrir un lieu de mémoire saisissant : le Mémorial des Déportés de France entre 1941 et 1944. Érigé sur le site d’une ancienne prison, il offre un cadre sobre et bouleversant, propice au recueillement. Au cœur du monument, une crypte renferme la dépouille d’un déporté inconnu, tandis que les étoiles gravées témoignent des vies fauchées. Sur les murs, les mots des poètes, Éluard, Aragon ou Sartre résonnent, donnant une voix à ce silence chargé d’histoire. Un hommage profond qui touche chaque visiteur. Glaçant et nécessaire.

Traversons maintenant la Seine pour rejoindre la rive droite du fleuve !

Le Mémorial de la Shoah est un autre lieu de mémoire bouleversant. Outre le Mur des Justes, qui honore ceux ayant sauvé des Juifs, découvrez le Mur des Noms, où figurent les 76 000 Juifs français envoyés dans les camps. La crypte, sobre et poignante, abrite les cendres de victimes des camps, ramenées après la guerre, mêlées à de la terre d’Israël. En son centre, une flamme éternelle brûle en hommage aux six millions de Juifs exterminés pendant la Shoah. Explorez également les expositions permanentes et temporaires, ainsi que la librairie, riche en ouvrages sur la Shoah et les droits humains. Un lieu essentiel.

Après une matinée lourdement marquée par des rappels aux tragédies, il est grand temps de célébrer pleinement la vie. Allez, direction le Pletzl, et laissez-vous emporter par l’énergie de la vie du quartier ! Mais avant cela, laissons place à une succulente pause déjeuner chez Tavline, mon restaurant préféré du quartier !

Tavline, c’est un vrai bout de Tel-Aviv en plein cœur du Marais, et croyez-moi, ça change tout ! Ce resto vibrant m’embarque à chaque fois dans une expérience culinaire israélienne pleine de peps, inspirée des recettes familiales et de l’énergie des food markets de Tel-Aviv. Chaque bouchée est une explosion de saveurs, avec des épices méditerranéennes et orientales comme le Zaatar et le Mechaia qui me transportent en direct sous le soleil de l’Orient. Derrière cette créativité gourmande, il y a Kobi Villot-Malka, ancien chef formé chez Alain Ducasse, qui met tout son cœur et son savoir-faire dans chaque assiette. Le résultat ? Un véritable régal pour les papilles, à chaque visite !

Poursuivons maintenant par une balade dans les rues étroites du Pletzl. Conçue en 1913 par Hector Guimard, le créateur des célèbres bouches de métro parisiennes, cette synagogue est un véritable chef-d’œuvre de l’Art nouveau, pensé pour la communauté hassidique russe récemment arrivée à Paris. À chaque passage, je ne peux m’empêcher d’admirer sa façade intrigante, faite de pierres agglomérées sur une armature en béton armé. Ondulée, elle donne au bâtiment une étonnante impression de grandeur, malgré son emplacement coincé entre deux immeubles. Les fenêtres étroites et les motifs végétaux apportent une touche unique, presque secrète, à la Synagogue de la rue Pavée.

Cette rue est le cœur vibrant du Pletzl, tenant son nom de l’ancienne zone horticole où les Juifs s’installent dès le 13ᵉ siècle, avant d’être expulsés par le roi de France au siècle suivant. Après l’émancipation révolutionnaire de 1791, la communauté juive se reconstitue lentement. Jusqu’aux années 1930, des milliers de Juifs viennent s’installer dans le Marais, transformant le quartier en un véritable shtetl parisien, avec ses commerces, ses traditions et une atmosphère unique qui perdure encore.

Les tragédies de la Seconde Guerre mondiale, qui déciment plus de la moitié de la population juive du quartier, laissent une empreinte indélébile. Dans les années 1960, l’arrivée de Juifs séfarades d’Afrique du Nord redonne vie au quartier. Puis, en 1973, le film Rabbi Jacob avec Louis de Funès, devenu un incontournable de la culture populaire, immortalise cette rue, lui offrant une place à part dans la mémoire collective.

Quelques endroits remarquables et de mémoire de la rue des Rosiers :

• Au numéro 4 bis, une plaque commémorative rend hommage au personnel et aux élèves de l’école de l’ORT (une organisation philanthropique juive à vocation pédagogique fondée en Russie en 1880) déportés vers Auschwitz par la Gestapo et la police de Vichy.

• Le 7 rue des Rosiers, la façade de l’ancien restaurant tenu par Jo Goldenberg garde la mémoire de l’attentat tragique du 9 août 1982 qui emporta six vies et fit 22 blessés

• Au numéro 8, découvrez l’ancien hammam Saint-Paul, fondé en 1863. C’est un lieu emblématique dans la vie sociale et rituelle juive. Ne manquez pas d’admirer le splendide revêtement en granito rouge qui orne la façade.

• Au 10, rue des Rosiers, poussez le porche de l’hôtel d’Albret pour découvrir le paisible jardin des Rosiers Joseph Migneret, dédié à ce Juste parmi les Nations qui sauva des enfants de l’école des Hospitalières-Saint-Gervais, toute proche

• Si vous voulez manger sur le pouce, la boulangerie Florence Kahn Bakery située au 24 rue des Ecouffes, à l’angle de la rue des Rosiers, est idéale. Cette « boutique bleue » à la façade de 1932 classée aux Monuments historiques propose une grande variété de saveurs traditionnelles du monde yiddish. Au 27 rue des Rosiers, se trouve aussi la « boutique jaune » de Sacha FInkelsztajn, une autre boulangerie-traiteur-pâtisserie garante des saveurs yiddish de Paris. Tous les guides touristiques vous diront que la véritable institution du quartier est L’As du Fallafel (34 rue des Rosiers) réputé pour ses falafels. Certes, mais préparez-vous à une queue souvent interminable (et comme moi peut-être la patience n’est pas votre fort …), sans réservation possible, contrairement à « Chez Hanna », le restaurant voisin du 54. Ce charmant restaurant typique de l’esprit Pletzl saura ravir vos papilles avec sa cuisine généreuse, un accueil vif et dynamique et une ambiance chaleureuse. Vérifiez les dispos de « Chez Hanna » via ce lien !

• À la croisée de la rue des hospitalières Saint-Gervais se trouve une plaque en yiddish sur fond de street art et la librairie du Temple Chir Hadash. Idéal pour les amateurs de culture et de littérature juives.

En continuant votre chemin, faites un arrêt sur le « Parvis des 260 enfants ». Une plaque rappelle que 260 enfants de l’École des Hospitalières-Saint-Gervais, la première école israélite de Paris, ont été déportés à la suite de la rafle du Vel’ d’Hiv en 1942, puis assassinés dans les camps d’extermination nazis. La façade comprenant deux têtes de bœuf en bronze de style assyrien rappelle que le préau de cette école a été construit sur l’emplacement d’un ancien pavillon de boucherie. Juste en face, la halle des Blancs Manteaux était jadis le marché le plus vivant du Pletzl. C’est désormais un lieu d’expositions très prisées des habitants du quartier, j’y ai mes habitudes…

Poursuivons notre journée par la visite du Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, installé dans l’ancien Hôtel de Saint-Aignan, un magnifique hôtel particulier du XVIIe. C’est une statue du capitaine Dreyfus qui vous accueille dans sa cour. Ce musée retrace l’histoire et la culture juive à travers des collections d’une grande variété et richesse : manuscrits, objets liturgiques, peintures, sculptures et archives historiques. Une place importante est faite à la présence juive dans les arts avec des peintres de l’École de Paris (Chagall, Soutine…) et des artistes contemporains (Christian Boltanski, Sophie Calle…). Les expositions temporaires, souvent audacieuses, approfondissent des thématiques contemporaines du judaïsme. Une visite complète nécessite environ une heure, mais les amateurs d’histoire et d’art pourront y consacrer davantage de temps, car ce musée est un bijou.

Juste à côté du MAHL, je vous propose une pause bucolique dans ce jardin secret dédié à la mémoire d’Anne Frank. Un marronnier planté avec un greffon de l’arbre admiré par Anne depuis sa fenêtre à Amsterdam et décrit dans son journal intime y trône. Une sculpture de bronze évoque les pages de son journal, ajoutant une touche poignante. Deux statues rendent aussi hommage au poète français d’origine roumaine Paul Celan, rescapé de l’Holocauste.

L’une des plus célèbres accusations portées contre les Juifs dans l’Europe chrétienne fut lancée à Paris en 1290. Jonathas, un prêteur à gage juif, fut accusé d’avoir profané une hostie en l’entaillant au couteau. Miracle, cette hostie aurait alors fait couler du sang. Puis, jetée dans l’eau bouillante, elle se serait mise à voler. Jonathas fut alors condamné et brulé vif en place de Grève, l’actuelle place de l’hôtel de Ville voisin. Sa maison fut transformée en chapelle expiatoire dénommée « la maison des miracles », à laquelle fut ajouté l’actuel cloitre des Billettes au XVe siècle… Bien que plusieurs fois modifié et restauré, c’est le seul cloitre du Moyen Âge qui subsiste à Paris. Un lieu magnifique où s’organisent maintenant de passionnantes expositions.

Pour terminer, nous voici revenus sur l’ancienne place de Grève, en face de la cathédrale Notre-Dame où nous avons commencé notre journée de découvertes de l’histoire juive de Paris. En cette place s’est déroulé le fameux « procès du Talmud », un évènement majeur de l’histoire des Juifs et de leur relation tourmentée avec la chrétienté. Après un long procès ecclésiastique, vingt-quatre charretées du Talmud, considéré comme « un livre infâme », sont solennellement brûlées ici le 17 juin 1242 sur ordre du roi Saint-Louis. C’est la première fois qu’une telle campagne de destruction de livres juifs a eu lieu en Europe, un tournant dans l’histoire intellectuelle et religieuse de l’Occident…

Après cette longue journée d’exploration du quartier juif du Marais, le temps est venu de terminer par un feu d’artifices de saveurs. Je vous suggère d’aller dîner chez Boubalé, le restaurant yiddish dont (presque) tout le monde parle à Paris, au sein de l’hôtel Grand Mazarin récemment ouvert. Bon appétit !

Tavline, c’est un vrai bout de Tel-Aviv en plein cœur du Marais, et croyez-moi, ça change tout ! Ce resto vibrant m’embarque à chaque fois dans une expérience culinaire israélienne pleine de peps, inspirée des recettes familiales et de l’énergie des food markets de Tel-Aviv. Chaque bouchée est une explosion de saveurs, avec des épices méditerranéennes et orientales comme le Zaatar et le Mechaia qui me transportent en direct sous le soleil de l’Orient. Derrière cette créativité gourmande, il y a Kobi Villot-Malka, ancien chef formé chez Alain Ducasse, qui met tout son cœur et son savoir-faire dans chaque assiette. Le résultat ? Un véritable régal pour les papilles, à chaque visite !

Place des Vosges

À l’occasion de votre découverte de la place des Vosges où se trouve la petite synagogue Charles Liché (entrée très discrète au numéro 14), faites un petit détour pour admirer la façade de Synagogue des Tournelles située juste derrière au 21 bis rue des Tournelles…

Visites guidées

SI vous ne disposez que d’1h30 et que vous souhaitez allez droit à l’essentiel, je vous invite à réserver une visite guidée avec Robin qui vous partagera sa passion du monde yiddish…et de ses pâtisseries ! Pendant 1h30, une découverte immersive et gourmande du Pletzl pour ressentir la culture vivante d’aujourd’hui. Les vendredis et dimanches, en français, anglais, italien ou allemand.

Cette autre visite guidée de 2h, qui commence au pied de Notre-Dame-de-Paris reçoit tous les éloges de ses participants. Regardez les disponibilités ci-dessous. Visite en anglais, français ou serbo-croate.

Tous les jours sauf les samedi, Benjamin vous conduit pendant 2 heures dans le Marais à la découverte du patrimoine et de l’histoire juive du quartier. Cette visite est exclusivement en anglais.

Pour aller encore plus loin !

Plusieurs ouvrages m’ont particulièrement passionné, les voici ci-dessous pour garnir votre bibliothèque et poursuivre le plaisir de votre découverte du Marais

Par Alain Vincenot

Par K. Benek

Gilbert Werndorfer

Par Roger Berg

Sous la direction de Jean-Pierre Azéma

Par Dominique Jarrassé

Par David Caron 

Par David Caron 

De Chantal Meyer-Plantureux