
Les églises du Marais si ancrées dans l’histoire tumultueuse de Paris font de ce quartier un condensé d’architecture, d’art et de spiritualité. Le quartier peut aussi s’enorgueillir d’être en toute proximité de deux des plus grands chefs-d’œuvre de l’art sacré occidental : la cathédrale Notre-Dame de Paris, majestueux et intemporel joyau du gothique admiré à l’échelle mondiale, et la Sainte-Chapelle, dont les vitraux sublimes nous plongent dans une féerie de lumières. Ces monuments, situés sur les îles de la Cité et Saint-Louis, sont bien plus que de simples lieux de culte : ce sont des icônes du patrimoine universel qui fascinent les visiteurs du monde entier (je vous en ai déjà parlé dans cet article consacré aux îles parisiennes).
Mais au-delà de ces deux chefs-d’œuvre incontournables, le Marais abrite un autre patrimoine sacré, tout aussi fascinant, bien que parfois plus confidentiel. Je veux vous parler de dix églises exceptionnelles, témoins du passé mouvementée de Paris, de sa diversité religieuse et de l’évolution de son architecture sacrée. Certaines sont de culte catholique, d’autres protestant, et toutes méritent qu’on pousse leurs portes pour en découvrir la beauté et l’atmosphère unique. Suivez-moi dans cette exploration des 10 plus belles églises du Marais ! Toutes ces merveilles peuvent se visiter gratuitement !
Et en fin d’article, je vous livre quelques infos inédites sur d’autres lieux de spiritualité du quartier (positivistes, rosicruciens, francs-maçons…)
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Édifiée entre 1627 et 1641 par les jésuites, l’église Saint-Paul-Saint-Louis incarne le faste du baroque parisien. La première pierre fut posée par le cardinal de Richelieu, qui y célébra la toute première messe sous le règne de Louis XIII. Inspirée du Gesù de Rome, son imposante façade sculptée, sa majestueuse coupole de 55 mètres et son horloge historique, qui rythme la vie du quartier depuis des siècles, en font un édifice incontournable.
Témoin des soubresauts de l’histoire, l’église traverse des moments forts de la Révolution. Transformée en temple de la Raison en 1793, elle voit Robespierre prêcher contre l’athéisme. Une plaque rappelle l’exécution de cinq prêtres massacrés en septembre 1792 pour avoir refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé. Une inscription presque effacée, « République française ou la mort », gravée sur un pilier, témoigne encore de la Commune de Paris et de l’incendie du dôme en 1871.
Son intérieur abrite des trésors, dont un imposant orgue, une sacristie monumentale conservant une Crucifixion provenant de la chapelle de la prison de la Bastille, et le célèbre « Christ au Jardin des Oliviers » de Delacroix. Madame de Sévigné, voisine du quartier, y fut baptisée et y assista régulièrement aux offices. Victor Hugo y situe le mariage de Cosette et Marius dans « Les Misérables » et offrit deux bénitiers pour celui de sa fille Léopoldine en 1843.

Édifiée sur les vestiges de la première basilique connue de la rive droite (387-576), Saint-Gervais-Saint-Protais est la plus ancienne paroisse de Paris en dehors de la première cathédrale de l’île de la Citée. À proximité de l’Hôtel de Ville et du palais royal du Louvre, elle fut longtemps le lieu de culte privilégié des élites parisiennes.
Son histoire est marquée par les tensions religieuses. Au XVIᵉ siècle, elle devient un bastion de la Ligue catholique, où se trament des complots contre Henri III, accusé d’être trop proche des protestants après avoir choisi pour dauphin le futur Henri IV. À la Révolution, l’église est transformée en temple de la Raison, tandis que la chapelle de la Vierge devient… une salle de bal. Le 29 mars 1918, un obus tiré par la Grosse Bertha s’abat sur l’édifice, faisant 92 morts et 68 blessés.
L’intérieur dévoile des trésors d’architecture et d’art sacré : un chœur gothique élancé, une nef aux proportions harmonieuses et la Chapelle dorée (1628), chef-d’œuvre du style Louis XIII (elle ne se visite malheureusement qu’exceptionnellement). Ses magnifiques vitraux, d’époques et styles variés, illuminent l’espace. Enfin, son grand orgue Couperin perpétue un héritage musical prestigieux. À l’extérieur, notez son clocher imposant, l’un des plus hauts du centre de Paris, et trois cadrans solaires, témoins du savoir astronomique du XVIIᵉ siècle.
Depuis 1975, les Fraternités monastiques de Jérusalem y perpétuent la prière, vivant dans le monastère attenant.

Située à deux pas du centre Georges-Pompidou, l’église Saint-Merry est un joyau du gothique flamboyant, souvent surnommée « Notre-Dame la petite » en raison de son architecture proche de celle de la cathédrale. Elle est d’ailleurs considérée comme l’une des « quatre filles » de Notre-Dame de Paris.
Sa façade ouest est ornée de sculptures fascinantes, notamment un bestiaire étrange et énigmatique. La clé de voûte du portail principal, ajoutée lors des restaurations du XIXᵉ siècle, représenterait le Baphomet (soit le diable pour certains !), une figure entourée de mystères et d’interprétations occultistes. De nombreuses gargouilles longent également cette façade, témoignant de l’art sculptural gothique.
L’église abrite un orgue prestigieux et une remarquable collection de peintures des XVIIᵉ et XIXᵉ siècles. Engagée dans l’histoire sociale, elle a participé à la création des Restos du Cœur et a longtemps été un lieu d’accueil pour les migrants, les divorcés remariés et la communauté LGBT, via des associations gay comme David et Jonathan qui s’y réunissent encore régulièrement les 2ème mardi de chaque mois à 20h. Anciennement animée par le Centre pastoral Saint-Merry, qui ouvrait l’église à l’art et au débat (et cela a fait débat dans l’Eglise !), la paroisse est confiée depuis 2021 à la communauté de Sant’Egidio, poursuivant ainsi sa mission d’ouverture et de solidarité.
Notez à une centaine de mètres de Saint-Merry l’imposante tour Saint-Jacques (54 mètres de haut), unique vestige de l’église Saint-Jacques-de-la-Boucherie détruite en 1793. Ce sanctuaire abritait une relique de saint Jacques et constituait jadis un lieu de pèlerinage réputé.

Construit entre 1632 et 1634 par François Mansart, le Temple du Marais est l’un des premiers édifices parisiens de style classique, inspiré du Panthéon de Rome avec son plan circulaire, sa coupole majestueuse et une rotonde de 13,50m de diamètre. D’abord église catholique dédiée à Sainte-Marie de la Visitation, elle accueillait un couvent de Visitandines fondé par saint François de Sales.
Témoignage de son passé prestigieux, le caveau de Nicolas Fouquet, ancien surintendant des finances de Louis XIV, repose toujours sous l’édifice bien qu’aucune indication n’en rappelle la mémoire. À la Révolution, l’église est confisquée et utilisée comme dépôt de livres, avant d’être attribuée en 1802 par Napoléon Ier au culte protestant, devenant ainsi le premier lieu officiel du protestantisme à Paris.
Désormais temple réformé, l’édifice se distingue par sa simplicité et sa sobriété, reflets de la spiritualité protestante, qui privilégie la prédication et la lecture de la Bible aux ornements liturgiques. Aujourd’hui, il demeure un témoin unique des mutations religieuses de Paris.
A noter à quelques centaines de mètres du Temple, dans le quartier Bastille : derrière la sobre façade du 7 bis rue du Pasteur Wagner se trouve le « Foyer de l’Ame », un superbe temple Art Nouveau construit en 1907 et dédié au courant libéral du culte protestant. Son orgue est l’un des plus beaux du quartier.

Nichés au cœur du Marais, l’église et le cloître des Billettes forment un ensemble patrimonial unique. Le cloître, édifié au XVe siècle, est le seul cloître médiéval encore intact à Paris. Avec ses galeries gothiques élégantes, il constitue un havre de paix insoupçonné, aujourd’hui dédié à des expositions d’art contemporain, mettant en lumière de jeunes artistes. Un must de calme dans ce quartier animé de la vie LGBT parisienne.
L’histoire du lieu est marquée par un épisode tragique de l’antisémitisme parisien. En 1290, un certain Jonathas de Paris est accusé d’avoir profané une hostie, une accusation qui conduit à son exécution et à la confiscation de ses biens. Cet événement déclenche une vague de persécutions contre la communauté juive et aboutit à la construction d’un premier sanctuaire, confié aux Hospitaliers de la Charité-Notre-Dame, dits « Billettes ». L’ordre y établit un couvent, qui prospérera jusqu’à la Révolution.
L’église actuelle, reconstruite entre 1754 et 1758 dans un style classique sobre, est devenue l’un des rares exemples d’architecture luthérienne à Paris. Affectée à l’Église protestante depuis 1809, elle accueille toujours une communauté active. Son excellente acoustique en fait aussi un lieu prisé pour des concerts, notamment sur son orgue impressionnant.

Située au cœur du Marais, l’église Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux trouve ses origines dans un couvent fondé en 1258 par l’ordre des Servites de Marie. Son nom provient des religieux vêtus de manteaux blancs qui l’occupaient. À la fin du XVIe siècle, le couvent est confié aux Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur, avant d’être supprimé à la Révolution.
L’église actuelle, reconstruite entre 1685 et 1690 dans un style classique sobre, intègre des éléments d’anciennes églises parisiennes démolies par le baron Haussmann sous Napoléon III, notamment sa façade provenant de l’église Saint-Éloi-des-Barnabites. À l’intérieur, son vaste vaisseau voûté et ses décors baroques abritent des œuvres remarquables, dont un retable sculpté du XVIIIe siècle et un orgue historique signé François-Henri Clicquot.
Sous la Révolution, le couvent est fermé et l’église devient un dépôt de vivres, avant de retrouver sa fonction religieuse sous l’Empire. Transformée au fil des siècles, elle a conservé des vestiges du passé monastique, témoignant de l’influence des ordres religieux sur le Paris médiéval et moderne.
Notez que dans la petite rue voisine, se trouve au 7-9 rue Aubriot la petite chapelle Sainte-Marie au Marais de l’Eglise Mariavite de France (issue d’un schisme avec l’église catholique de Pologne).

Située au cœur de l’Île Saint-Louis à Paris, l’église Saint-Louis-en-l’Île est un joyau de l’architecture baroque française. Dédiée à Saint Louis, roi de France de 1226 à 1270, elle rappelle que ce souverain venait prier sur cette île avant de partir en croisade en 1269. La première chapelle, nommée Notre-Dame-en-l’Île, fut érigée en 1623 pour desservir les premiers habitants de l’île.
Face à l’accroissement de la population, la construction d’une église plus vaste s’imposa. Les travaux débutèrent en 1656 sous la direction de François Le Vau, frère de l’architecte Louis Le Vau. Après de multiples interruptions, l’église fut consacrée le 14 juillet 1726. L’édifice se distingue par son clocher ajouré en forme d’obélisque, ajouté en 1765 pour résister aux vents de la Seine. Durant la Révolution française, l’église fut désaffectée et utilisée comme dépôt littéraire. Elle retrouva sa vocation religieuse en 1805, accueillant même une messe célébrée par le pape Pie VII cette année-là.
Classée monument historique en 1915, l’église abrite un orgue remarquable, installé en 2005 par le facteur Bernard Aubertin. Elle est également réputée pour sa programmation de concerts de musique classique, faisant d’elle un lieu culturel incontournable de la capitale.

L’église Saint-Denys-du-Saint-Sacrement est un exemple notable d’architecture néoclassique du début du XIXᵉ siècle. Construite entre 1826 et 1835 par l’architecte Étienne-Hippolyte Godde, elle est dédiée à saint Denis, premier évêque de Paris, et aux religieuses bénédictines du Saint-Sacrement qui occupaient auparavant le site.
L’intérieur de l’église est particulièrement remarquable pour sa Pietà, située dans la chapelle Sainte-Geneviève (à droite de l’entrée). Cette œuvre, peinte par Eugène Delacroix en 1844, s’inspire du Rosso Fiorentino et a été réalisée en seulement 17 jours. Le poète Charles Baudelaire la qualifia de « chef-d’œuvre qui laisse dans l’esprit un sillon profond de mélancolie ».
Par ailleurs, l’église abrite une communauté paroissiale dynamique qui accueille l’une des maisons du Séminaire de Paris, contribuant ainsi à la formation des futurs prêtres et à l’animation de la vie paroissiale

Fondée sous le règne de Louis XIII, cet édifice voit la reine Marie de Médicis poser sa première pierre le 14 mai 1628. Face à l’enclos du Temple, elle fut témoin de la détention de Louis XVI et de sa famille dans la tour du Temple après la proclamation de la République. Son histoire se mêle ainsi à celle des grandes heures de la Révolution française.
L’église a également traversé les époques en accueillant diverses communautés. Dans l’entre-deux-guerres, une importante communauté chinoise s’installe dans le quartier et y célèbre encore aujourd’hui la messe en chinois. En 1938, l’Archevêque de Paris y autorise la tenue des réunions des Chevaliers de l’Ordre de Malte, en mémoire de leur ancienne commanderie du Temple. L’église reste aujourd’hui un lieu de célébration pour cet ordre souverain.
Sur le plan musical, Sainte-Élisabeth-de-Hongrie se distingue par son grand orgue Suret, inauguré en 1853 et récompensé à l’Exposition universelle de 1855. Enfin, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’église joue un rôle humanitaire en cachant des Juifs, ajoutant ainsi une page de courage à son riche passé.

L’église Saint-Nicolas-des-Champs est un chef-d’œuvre architectural, mêlant gothique et Renaissance. Son portail sud, daté de 1581, demeure l’un des plus beaux témoignages de l’architecture religieuse de la Renaissance parisienne, malgré la disparition de sa statuaire pendant la Révolution.
L’église se distingue également par son maître-autel monumental du XVIIᵉ siècle, le seul encore en place dans une église parisienne, s’élevant à 12 mètres de hauteur. Son immense nef, soutenue par ce que l’on appelle les « cent colonnes », impressionne par ses proportions démesurées. L’édifice est baigné de lumière grâce à 25 hautes fenêtres, dont seules quelques bordures polychromes, datant des XVIᵉ et XVIIᵉ siècles, ornent encore les vitraux.
Depuis 1992, l’animation de la paroisse est confiée à la communauté de l’Emmanuel, insufflant une dynamique spirituelle et liturgique vivante. Entre patrimoine architectural remarquable et ferveur contemporaine, Saint-Nicolas-des-Champs demeure un lieu emblématique de l’histoire et de la vie religieuse parisienne.

La cathédrale Sainte-Croix de Paris des Arméniens est un édifice discret qui joue un rôle central pour la communauté arménienne catholique de la capitale. L’histoire de cette église remonte à 1623, lorsque le financier Claude Charlot entreprit de lotir le quartier du Temple et fit construire l’église Saint-Jean-Saint-François ainsi qu’un couvent attenant destiné aux frères capucins. Ces derniers étaient alors connus pour leur rôle de pompiers volontaires. La chapelle du couvent, dédiée à l’Immaculée Conception, fut érigée en 1624 sur l’emplacement d’un ancien jeu de paume.
Entre 1828 et 1832, des travaux d’agrandissement furent réalisés, et en 1855, l’architecte Victor Baltard conçut un nouveau porche pour l’église.
En 1970, alors que l’église était fermée au culte, le cardinal François Marty la confia à la communauté arménienne catholique de Paris, qui était en quête d’une église paroissiale. Aujourd’hui, la cathédrale est le siège de l’éparchie Sainte-Croix-de-Paris des Arméniens, érigée en 1986.
© Julien Dumarais – My Marais Paris