Marais Paris Gay

Besoin d’un guide du gay Marais ? Le voici ! Le Marais est le cœur battant de la communauté LGBTQI+ à Paris, et croyez-moi, il n’a pas toujours eu cette réputation flamboyante. Ce quartier, autrefois bastion aristocratique puis ouvrier, commence à changer dans les années 1980. À cette époque, commerçants, militants et artistes gay s’installent, séduits par des loyers encore accessibles et le charme unique du lieu. Le quartier devient alors un espace de liberté, d’expression  et de tolérance, aux côtés de la communauté juive qui partage elle-aussi une histoire de persécutions. Au fil des ans, les rues Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie et des Archives  s’imposent comme les principales artères avec des bars, clubs, boutiques et librairies devenues véritables institutions.

Ici, tout y respire la fête, la solidarité et les luttes pour aimer librement. Le Marais devient  un subtil mélange de patrimoine, de diversité et d’énergie faisant de Paris un symbole international d’inclusionUne ombre au tableau cependant : la flambée des prix immobiliers et l’évolution des modes de vie des personnes LGBTQI+ ont récemment profondément transformé le Marais, mettant en péril son identité emblématique. Les boutiques de luxe remplacent progressivement des bars et librairies et plusieurs espaces communautaires sont régulièrement menacés. Dans la longue histoire de Paris, la vie gay de Paris s’est notamment déplacée des Tuileries aux Champs-Elysées, à Montmartre-Pigalle, à Montparnasse, à Saint-Germain-des-Près, à la rue Sainte-Anne proche de l’opéra Garnier avant d’investir les Halles puis enfin le Marais. Qu’elle sera la prochaine étape ? Mystère… Toujours est-il qu’aujourd’hui, le Marais reste un symbole fort et un lieu de ralliement privilégié pour les gays,  lesbiennes, queers, trans, intersexes…. venus de France et de l’étranger.

Dans cet article, je vous invite à parcourir un itinéraire original qui mêle mémoire et actualité LGBTQI+, pour mieux saisir l’essence de ce quartier si attachant. Ma carte ci-dessous vous présente des lieux de mémoire (en bleu), des bars, restaurants et dance-floors (en violet), des boutiques et d’autres lieux célébrant les sexualités (en noir) : sauna, cruisings, sex-shops… Excellente découverte !

Marais Gay - Jean Diot - Bruno Lenoir

Les derniers condamnés à mort pour homosexualité en France

  • Point A sur la carte

  • 67 rue Montorgueil, 75002 Paris

  • Sentier (L3)

Notre balade à la découverte du quartier gay de Paris commence à la lisière du Marais, dans la rue commerçante de Montorgueil. Le 4 janvier 1750, les ouvriers Jean Diot et Bruno Lenoir sont arrêtés ici pour « crime de sodomie ».

Après un procès long de six mois, ils sont étranglés puis brûlés le 6 juillet 1750 sur la place de Grève (aujourd’hui place de l’Hôtel de Ville), devenant ainsi les dernières personnes en France à être exécutées pour homosexualité. Cette plaque, apposée en 2014, rend hommage à leur mémoire. Quatre ans plus tard, elle est vandalisée à deux reprises par un opposant à l’homoparentalité, au « lobby LGBT », et à l’organisation des « Gay Games » à Paris. Cet acte  témoigne des défis toujours présents dans la lutte pour l’égalité des droits et le respect.

En flânant vers les Halles, poussez les portes de l’église Saint-Eustache pour y admirer le célèbre triptyque « L’Enfant rayonnant » de Keith Haring . Cet artiste américain de génie a achevé cette œuvre magistrale, en bronze et or blanc, tout juste deux semaines avant sa disparition, le 16 février 1990, emporté par le SIDA à seulement 31 ans. Parmi les neuf exemplaires créés, l’un a été offert selon son voeu à la Ville de Paris par la Spirit Foundation fondée par John Lennon et Yoko Ono. Le choix est fait de l’installer dans cette église, en hommage à l’engagement de cette paroisse auprès des malades du SIDA.  Ce triptyque lumineux et vibrant rayonne d’amour et d’espoir. C’est une halte inspirante et pleine d’émotions.

Marais gay - Saint-Eustache - triptyque de Keith Haring
Les Halles de Paris au début du 20ème siècle

Le quartier des Halles, le « ventre de Paris »

  • Point B sur la carte

  • 101 Porte Berger, 75001 Paris
  • Chatelet Les Halles (L1, L4, L7, L11, L14, RER A, RER B, RER D)

Jusqu’à la fin des années 1960, l’emplacement de l’actuel forum des Halles abrite un immense marché de gros de produits alimentaires frais, installé sous les célèbres pavillons métalliques Baltard. Ce « ventre de Paris », animé jour et nuit, est également dès le 19ème siècle un espace de rencontres et de fantasmes, attirant de nombreux hommes fascinés par les travailleurs du Carreau. Certains de ces  « forts des Halles » y vivent une homosexualité virile et décomplexée, par besoins financiers ou par pur plaisir. Les rues alentours (dont celle des « Vertus » ou de Saint-Denis) abritent ainsi des petits business de prostitution (féminine comme masculine) dans des hôtels garnis, arrières salles de débits de vin et restaurants… sans compter les urinoirs de la rue des Prouvaires, de la Tonnellerie et face à l’église Saint-Eustache. A l’hôtel du Saumon, chez Saïd, les « uranistes » retrouvent des légionnaires, des spahis faisant de tranquilles belotes en attendant le client…

les Halles de Paris au début du 20ème siècle

Bien plus tard dans les années 1980, le quartier des Halles entièrement transformé avec le Forum évolue pour devenir l’un des hauts lieux de la vie gay parisienne avec l’ouverture de nombreux restaurants, bars et discothèques. Le Banana Café (jadis le Broad Side) ou l’Amazonial (ce lien pour y réserver votre repas) sont parmi les derniers rescapés de cette période. L’afflux de la clientèle homosexuelle dans le quartier (8 lignes de métro et de RER et bus de nuit du Chatelet voisin aidant !) transforme certains vieux cafés ou brasseries, qui passent d’une clientèle de « forts des Halles » à une clientèle plus gaie et colorée. C’est le cas du « Bon Pêcheur » ou de la terrasse du « Père Tranquille ».  En janvier 1977, l’ouverture du Centre Pompidou crée un trait d’union entre le quartier des Halles et celui du Marais. Des galeries d’art moderne s’installent et drainent un nouveau public.

De la Rue Saint Martin au centre LGBTQI+

Marais gay - place Stravinsky

En remontant la rue Saint-Martin, passez le porche de l’église Saint-Merry. Ce centre pastoral engagé dans le mouvement LGBT accueille régulièrement les événements de l’association David et Jonathan, un mouvement qui rassemble et soutien des chrétiens homosexuels depuis 1972.  Dans une Eglise catholique qui n’a jamais été très tendre avec les personnes LGBTQI+, ce lieu de culte parisien pratique l’ouverture d’esprit. Mais certes pas autant que les Sœurs du Couvent de Paris de la Perpétuelle Indulgence ! Je vous souhaite de croiser ces soeurs à cornettes dans certaines soirées où elles font la promotion de la joie universelle de manière certes provoquante mais toujours avec une énorme dose d’humour, d’autodérision… et surtout de charité !

Après avoir flâné devant la fontaine Stravinsky (une copine !)  et ses sculptures éclatantes signées Niki de Saint Phalle (une nana vraiment pas comme les autres), et admiré l’immense fresque street-art représentant Salvador Dalí (un coquin !), faites une halte bien méritée au Café Beaubourg. Cette brasserie attire une clientèle chic et gay, où l’on croise aussi bien une élite branchée que de jeunes gays BCGB venus profiter d’une déco soignée et d’une ambiance à la hauteur de leur style de vie bobo. Ici, on vient autant pour voir que pour être vu !

Soeurs de la Perpetuelle Indulgence

En continuant vers l’esplanade du Centre Pompidou, vous trouverez le cinéma MK2 Beaubourg, où se tient chaque mois de novembre le festival de cinéma LGBTQIA+ de Paris Chéries-Chéris, qui a célébré sa 30ᵉ édition en 2024. Un must pour les amateurs de cinéma queer.

Plus loin, au 176 rue Saint-Martin, poussez les portes de La Mutinerie, un bar emblématique « queerféminitranslesbien » ouvert depuis 2012. Ici, tous les styles, genres et sexualités se croisent dans une ambiance survoltée. Entre soirées festives, programmations au top, débats passionnés au comptoir et engagement militant, Bien plus qu’un simple bar, la Mutinerie est un espace de vie et de luttes.

Enfin, au 63 rue Beaubourg, entrez au Centre LGBTQI+ de Paris et d’Île-de-France, pilier de la communauté depuis plus de 30 ans. Plus de 80 associations y mènent des activités variées, et son riche agenda regorge de propositions engagées et conviviales. Un trésor de ressources à ne pas manquer pour s’informer, s’impliquer et se retrouver.

Du centre LGBTQI+ à l’Hôtel de Ville

  • Point D sur la carte

  • Parvis de l’Hôtel de Ville, 75004 Paris

  • Hôtel de Ville (L1, L11)

Le Cox - Marais gay

Avant de poursuivre notre promenade en direction de l’Hôtel de Ville, une halte s’impose au Duplex Bar, situé à deux pas du Centre LGBTI, au 25 rue Michel Lecomte. Fondé en 1980, ce bar emblématique est aujourd’hui le dernier des établissements gay pionniers du Marais encore en activité.  Les hauts murs du Duplex servent régulièrement d’écrin à des expositions temporaires, mettant à l’honneur des artistes. Un fait marquant de l’histoire du Duplex est aussi la naissance, en 1984, de l’association AIDES, première organisation française de lutte contre le SIDA, dans un appartement du 3ᵉ étage de l’immeuble. Pendant de nombreuses années, le bar accueille les premières réunions d’information réunissant médecins, juristes, malades et militants visionnaires engagés dans cette lutte essentielle.

La descente de la rue du Temple est l’occasion de localiser au numéro 44 le siège social du Syndicat National des Entreprise Gaies (SNEG & Co) fondé en 1990 par plusieurs exploitants de débits de boissons, saunas et cruisings LGBT français. Lorsque l’épidémie de SIDA faisait des ravages, le bras de fer de l’association face aux pouvoirs publics permet à ses membres de distribuer des préservatifs et des documents de prévention, sans craindre ni verbalisation ou fermeture administrative des autorités. Un lobbying qui a sauvé des vies !

Si aujourd’hui le 12 rue du Plâtre accueille le bar lesbien ELLES, il faut savoir que c’est ici que le tout premier bar gay du Marais (Le Village) ouvre ses portes fin 1978. Une véritable révolution pour l’époque puisque l’établissement s’ouvre sur la rue et propose des tarifs bas. L’immense succès du Village ne manque pas de déclencher des pétitions de voisins peu habitués à ces visiteurs d’un genre nouveau… L’impulsion donnée par le Village pour l’ouverture d’autres bars signe en revanche le déclin définitif de la rue Sainte-Anne jugée élitiste et chère mais lance définitivement le Marais gay. Merci Joël Leroux !

Place des Emeutes de Stonewall

La rue des archives est maintenant le véritable coeur du Marais gay où subsistent de nombreux établissements emblématiques : Le Cox et ses drôles décorations extérieures, le bar Cactus, les terrasses du Ju’ ou des Marronniers où tout le monde aime à observer les passants. Si ces commerces résistent encore à la pression immobilière des magasins de luxe envahissants, ce ne fut pas le cas de l’Open Café, célèbre à l’international, mais hélas disparu en 2022. Entre ces bars se situe la place des Emeutes de Stonewall qui ont été le déclencheur de toutes les Gay Prides et Marches des fiertés du monde entier. Ici, une plaque rend hommage à Gilbert Baker (1951-2017), artiste américain créateur du drapeau arc-en-ciel. Après la parade parisienne (ici le programme de l’Interlgbt), c’est autour de ces bars que tout le monde se retrouve chaque année fin juin. Dans les rues bondées, l’ambiance est incroyable !

A l’intersection de la rue des Archives et de la rue de la Verrerie (soit à l’angle du BHV Marais dont le rayon quincaillerie fut jadis un haut lieu de drague homo), se situe la place Harvey Milk en hommage  à ce militant américain assassiné en 1978 à San Francisco.

Nous voilà désormais sur le parvis de l’Hôtel de Ville. C’est ici qu’en 1750 qu’à eu lieu la condamnation à mort des deux derniers français pour homosexualité. Ici également que 251 années plus tard sera élu le tout premier Maire de Paris ouvertement gay : Bertrand Delanoë. En 2002, il est poignardé en mairie lors de la Nuit Blanche par un individu détestant « les politiciens, particulièrement les homosexuels ». Cet évènement dont il ressort sain et sauf lui donne encore plus de courage pour se battre pour l’égalité des Droits, notamment lors du débat sur le mariage des couples de même sexe.

hotel de ville Paris - LGBT

Dans la cathédrale Notre-Dame qui fait face à l’Hôtel de Ville sur l’île de la Cité, les activistes Femen font en 2013 un happening seins nus et au cri de « Pope no more, homophobe dégage » en plein pendant ce débat houleux. Dans ce même lieu de culte, les militants d’ Act Up Paris, dont certains en tenue de drag-queen, organisent en 2015 une parodie de mariage gay, au grand dam de l’Eglise de France…

En août 2018, le village des 10ème  « Gay Games » s’organise sur le parvis de la Mairie.  Ces « mondiaux de la diversité » parviennent à réunir plus de 10000 participants de plus de 90 pays, de tous genres et sexualités ! C’est un record absolu dans l’histoire de cette manifestation…et un coup de tonnerre dans les instances sportives mondiales jusqu’alors si peu inclusives. La fondation FIERE valorise cet héritage. Aussi, sept ans après les Gay Games, les Jeux Olympiques et Para-olympiques de Paris n’auront jamais connu autant d’athlètes ouvertement gay.

librairie Les Mots à la bouche gay Marais

De l’Hôtel de Ville au Musée Carnavalet

Après la traversée de la rue du Roi de Sicile, la montée de la rue Vieille du Temple nous conduit à l’ancien emplacement de la librairie des Mots à la Bouche jadis située au 6 rue Sainte-Croix de la Bretonnerie de 1983 à 2019. Cette institution du Marais gay, chassée par la flambée immobilière du quartier, est depuis cette date remplacée par un magasin de chaussures faisant dans la pink money. Choc et tristesse pour les « anciens » gay du Marais… Je vous détaille son histoire dans cet article dédié aux librairies et livres LGBTQI+ – Jusqu’en 2010, cette librairie est la voisine complémentaire de l’iconique bar « Le Central » (premier hôtel gay du quartier également!) situé en 1980 au bout de la rue Vieille du Temple. Une bijouterie a pris sa place…

La rue Vieille du Temple croise la rue des Rosiers investie depuis la fin du 19ème siècle par la communauté juive ashkénaze. Les deux minorités gay et juive partagent une histoire faite d’opprobes et de persécutions qui explique en partie leur paisible cohabitation. Aussi, lors de l’attentat terroriste du restaurant Goldenberg en 1982, les commerçants des deux communautés consolident leur solidarité pour réfléchir à la sécurité de leurs clients aux ennemis souvent communs.

Avant de rejoindre la très commerçante et trendy rue des Francs-Bourgeois, vous pouvez faire un petit détour sur la place rendant hommage à Ovida-Delect (1926-1996), femme parisienne transgenre, résistante déportée et poétesse.

En revenant sur la rue des Francs-Bourgeois, passez devant la Halle des Blancs Manteaux qui réunit tout au long de l’année des évènements LGBTQI+ comme le Printemps des Assoces organisé par l’InterLGBT en avril ou encore le Forum des Sports de la Fédération Sportive LGBT+ en septembre.

Avant de visiter le musée Carnavalet, je vous propose un détour par la rue Malher. Au numéro 22, vous découvrez La Bulle, la Maison des Solidarités LGBTQI+, un espace fondé par sept associations œuvrant auprès de publics confrontés à des discriminations croisées : LGBTIphobie, racisme, sexisme et précarité. Un peu plus bas, au 2 rue du Roi-de-Sicile, une plaque rend hommage à la princesse de Lamballe, assassinée de manière horrible en 1792. Considérée par certains comme une figure lesbienne oubliée de l’histoire, elle était proche de la reine Marie-Antoinette, à qui on lui prête parfois le rôle de « petite amie ». A une centaine de mètres se trouve la rue Pierre Seel (1923-2005), déporté français pour homosexualité pendant la seconde Guerre mondiale (merci à l’association Les Oublié-e-s de la Mémoire de tant oeuvrer pour la reconnaissance de l’histoire cachée des persécutions LGBT). Non loin se trouve devant l’église Saint-Paul-Saint-Louis la Place des Combattantes et Combattants du SIDA.

Marcel Proust - Marais gay

De retour au 25 rue des Francs-Bourgeois, une pause paisible s’impose au Jardin de l’Hôtel-Lamoignon dédié à Mark-Ashton (1960-1987), militant britannique de l’égalité des Droits.

Bienvenue maintenant au Musée Carnavalet, une institution entièrement dédiée à l’histoire de Paris.  La femme de lettres Madame de Sévigné (1626-1696), née place des Vosges  voisine vécut plus de 20 ans dans cette hôtel particulier. Ces lettres laissent un tableau brillant et très vivant de la société de son temps, servi par une vigueur et une liberté de style exceptionnelles. Elle y dévoile entre les lignes les amours des habitants du Marais, dont les aventures homosexuelles de certains que les milieux aristocratiques du 17ème siècle savaient tolérer. Les collections de ce musée sont absolument exceptionnelles et l’association Paris Gay Village y organise des visites guidées sur les thèmes LGBTQI+. Dans ce musée se trouve notamment la reconstitution de la chambre de Marcel Proust, un géant de la littérature française, fin observateur (et acteur !) de la vie gay du 19ème siècle et du début 20ème (relire pour cela « Sodome et Gomorrhe » de La Recherche du Temps Perdu).

Mignon Place des Vosges - Marais

La place des Vosges, le square des drama queens (and kings !)

Rendons-nous maintenant au coeur du Marais aristocratique, sur la place Royale, construite dès 1605 sous le règne d’Henri IV et rebaptisée en 1792 « Place des Vosges » par les révolutionnaires. Du XIVème à la fin du  XVIème siècle,  son emplacement accueille l’hôtel des Tournelles, résidence de nombreux monarques (Louis XII, Henri III, Catherine de Médicis…) avant que la cour ne privilégie le Palais des Tuileries.

Un dimanche de 1578, c’est ici sur l’emplacement du marché aux chevaux (future place des Vosges donc) que le « Duel des mignons » fait rentrer le quartier dans la grande des histoire des duels sanglants…et du Marais queer ! Posons le décor : Henri III (cousin éloigné du 4ème Henri) est un roi d’un grand raffinement qui apprécie particulièrement l’entourage de mignons, nobles courtisans efféminés, fardés, poudrés, parfumés, à la réputation sulfureuse et aux styles vestimentaires exubérants (boucles d’oreilles, fraises extravagantes et tout le tralala…de vrais drag-queens avant l’heure !). Certains « mignons de couchette » ont le privilège de dormir dans la chambre du roi, sinon dans son lit – comme l’affirment les opposants politiques du roi, nombreux en cette période de guerre de religions. Ce cercle restreint de favoris connait alors, grâce à son protecteur royal, une fortune fulgurante mais très jalousée. Voici comment coucher utile ont pu dire les bonnes langues de la Ligue catholique ennemie du Roi… La grande préciosité des mignons en cour ne les empêche nullement d’être de rudes chefs de guerre, sinon de grosses brutes, sur les champs de bataille. Le 27 avril 1578, ce « duel des Mignons » impliquant six d’entre eux tourne au véritable carnage. La raison ? Des différends politiques montés en épingle après une affaire de coucherie (hétéro). Le système des mignons à la cour vole alors en éclat et Henri III a du mal à s’en remettre. La mémoire populaire s’est emparée jusqu’à nos jours de la thèse de l’homo ou bisexualité supposée d’Henri III (toujours non prouvée, même par les historiens à fort gaydar) en mettant en revanche sous le tapis sa réalité de tombeur de Dames…

Depuis 1825, c’est la statue équestre d’un autre roi de France aux mœurs également moquées qui trône au coeur de la place des Vosges : Louis XIII (1601-1643). Après des passions d’adolescent pour de rudes soldats, des cochers (dont Saint-Amour le bien nommé) et des valets de chiens, le premier amour sérieux du Roi est pour Albert de Luynes (un temps gouverneur de la prison de la Bastille) qui exerce sur lui une véritable fascination sensuelle, voire emprise que seule la mort abolit. Vous comprenez mieux pourquoi la consommation du mariage d’Anne d’Autriche et de Louis XIII, survenue le 25 janvier 1619, soit quatre ans après la célébration de leurs noces, soit une véritable affaire d’Etat… 

Philippe d'Orléans - frère du Roi

Philippe d'Orléans - frère du Roi

Leur mariage tourne au fiasco bien qu’il donne au final à la France (après 23 années de mariage stérile) son plus grand Roi : Louis XIV (1638-1715)… mais aussi son frère Philippe d’Orléans. Ce cadet de la fratrie est habillé et élevé comme une fille par Anne d’Autriche pour ne pas faire de l’ombre au Roi Soleil. Une fois adulte, « Monsieur le frère du Roi » rentre avec ses parures et comportements extravagants dans les annales de l’Histoire comme la plus grande « folle tordue » des familles royales françaises… Avec lui, la cour la plus gay-friendly que le Royaume de France n’ait jamais connue délaisse définitivement les hôtels du Marais pour privilégier Versailles et le Palais Royal pour les amours d’invertis. C’est le début de la fin du Marais aristocrate…

Pour terminer sur la place des Vosges, petit clin d’oeil à Francis Bacon qui de 1974 à 1987 installe son atelier-appartement au 14 rue de Birague derrière le Pavillon du Roi.

Gay Pride Bastille

La place de la Bastille : le souffle de la liberté !

  • Point H sur la carte

  • Place de la Bastille, 75004 Paris

  • Bastille (L1, L5, L8)

Pour terminer notre balade dans le Marais gay, tous à la Bastille !  Quittons pour cela la place des Vosges, lieu de drague fréquenté par les homosexuels et prostitués  à la fin du 19ème siècle. Arrêtons nous au 32 de la rue des Tournelles (à proximité des restaurants que je vous recommande pour votre déjeuner ou diner !). Cet endroit est surveillé par la police jusqu’en 1914 pour son Hôtel du Mont-Blanc, un garni jadis composé d’une dizaine de chambres pour les couples d’hommes… s’étant notamment dragués  sur le boulevard Beaumarchais ou le long de la rue Amelot.

Au 18ème siècle, la prison de la Bastille  embastille pour « débauche outrée » et « écrits scandaleux » le Marquis de Sade rentré dans la postérité pour ses écrits sadomasochistes. La prise de la Bastille du 14 juillet 1789 marque ensuite l’histoire comme le symbole de la Grande Révolution française, initiatrice de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen  et de nouvelles libertés à conquérir. En 1791, bien que les révolutionnaires n’aient fait que d’associer l’homosexualité aux vices de l’Ancien régime, au clergé lubrique et à l’aristocratie décadente, l’homosexualité sort en catimini, sans aucun débat à l’Assemblée Constituante, du champs des infractions pénales en France, cela après des siècles de répression sur la base du crime de sodomie. Terminés les bûchers !  Une première en Europe ! Les cabarets du Soleil d’Or rue de Lappe, le Franc-Bourguignon rue des Tournelles ou encore La Croix d’Or rue de la Roquette peuvent alors continuer à accueillir sans soucis leur clientèle de « sodomites »…

Jusqu’à la fin des années 1920, le quartier de Bastille est dans le collimateur de la Mondaine. Rue de Lappe,  le dancing interlope de la « Bousca » est sous surveillance pour se transformer dès 22h en dancing de « tantes et invertis ». Sur un air d’accordéon, voyous, marins en permission, prostitués et Messieurs d’un âge bien avancé fraternisent. Pour consommer leurs amours, certains s’offrent des chambres à l’étage…ou un matelas dans la cale de la péniche La Noïé accostée sur le port de l’Arsenal. A moins qu’ils ne se soient déjà croisés en journée dans les « bains vapeurs » du 93 rue de la Roquette…

Dans les années 1930, l’ambiance commence en revanche à se durcir, la guerre n’est plus loin et l‘extrême droite désigne homosexuels (et juifs) comme responsables de biens des maux de la France

Le Génie de la Bastille - Génie de la Liberté

Après l’âge d’or de l’homosexualité à Paris dans l’entre-deux guerres, les décennies suivantes plombent l’acceptation des personnes LGBTQI+ dans la société française. Elles  vivent encore pour beaucoup dans le placard et risquent de voir leur vie basculer pour un outing dans leur milieu familial et professionnel. Sauf dans quelques milieux privilégiés, la clandestinité reprend le dessus par une homosexualité planquée, voire honteuse.

Le 10 mai 1981, François Mitterrand, président de la République nouvellement élu vient célébrer sa victoire place de la Bastille. La communauté gay du Marais est en liesse car un point de ses « 110 propositions pour la France » prévoit enfin de mettre hétéros et homosexuels à égalité en matière d’âge du consentement sexuel. Le 27 juillet 1982, les dispositions discriminatoires prises par le Maréchal Pétain sous le régime de Vichy sont enfin abrogées.

Depuis, la place de la Bastille, symbole de liberté, est le point de passage ou le terminus de nombreuses Gay Pride organisées à Paris dès 1977. Le combat pour le PACS (Pacte civil de solidarité) est gagné en 1999, celui du mariage pour les couples de même sexe en 2013 !

Nu comme un ver du sommet de la colonne de Juillet du centre de la Place, le Génie de la Bastille, dit aussi le Génie de la Liberté, observe encore aujourd’hui avec malice l’avancée des Droits. Du sommet de la colonne de Juillet, il semble veiller comme un ange gardien sur le Marais, un quartier qui reste aujourd’hui encore la caisse de résonnance de tous les progrès et futurs combats des personnes LGBTQI+

Où dormir ?

Depuis des décennies, le Marais attire des couples LGBTQI+ du monde entier, faisant de ce quartier une véritable référence en matière d’accueil inclusif. Les hôteliers locaux, devenus experts dans l’art de recevoir, se démarquent par leur sens de l’hospitalité et leur ouverture d’esprit.  Dans le Marais, il n’y a pas d’hôtels exclusivement gays… car presque tous sont très gay-friendly !

Découvrez ici une sélection d’hôtels triés sur le volet grâce à Hotels.com, offrant les meilleurs avis clients pour une expérience LGBTQI+ mémorable. Il y en a pour tous les styles, tous les prix…

Julien Dumarais

Visites guidées

Vous souhaitez être accompagnés d’un guide pour la découverte du Marais gay ? Vous avez bien raison ! Je ne saurai trop vous conseiller de suivre les visites guidées organisées dans le Marais (et tant d’autres quartiers de la capitale) par l’association PARIS GAY VILLAGE. Elle réunit des passionnés bénévoles et experts du sujet avec des visites d’une rare érudition. Voilà le programme de leurs visites !

A votre disposition également, des professionnels pour vous accompagner dans vos déambulations

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« Envie de danser ce soir ? Voici ma sélection des meilleurs dance floor gay du Marais ! Plutôt (ou aussi) Fan de lecture ? Je vous laisse alors consulter ma bibliothèque LGBTQI+ sur l’histoire du Paris et Marais gay et lesbien. Je pense vous avoir sélectionné les meilleurs livres sur le sujet »

Julien Dumarais, votre meilleur conseiller pour un séjour parfait dans le Marais